La tequila est une boisson emblématique, un spiritueux qui fait immédiatement penser aux fêtes mexicaines, aux shots accompagnés de sel et de citron, ainsi qu’aux cocktails comme le Margarita. Cependant, la tequila représente bien plus que cela : c’est une véritable tradition millénaire, intimement liée à la culture mexicaine, et dotée d’un processus de fabrication singulier et fascinant. Elle est le spiritueux dont se débarrasse Gus Fring pour écarter le Cartel de Juarez dans Breaking Bad; c’est également la boisson que Meredith Grey choisit à l’annonce du mariage de Derek Shepherd avec Addison Montgomery dans Grey’s Anatomy. Dans cet article, nous allons explorer l’univers de ce spiritueux, résultat de la fermentation et de la distillation de l’agave bleu. C’est un mélange de saveurs épicées, herbacées, qui nous rappelle les vastes paysages désertiques du Mexique, où les plantations d’agave s’étendent à perte de vue dans la région de Jalisco. En résumé, pour produire la tequila, les plantes d’agave sont cuites à la vapeur, et le jus obtenu, appelé aguamiel, est ensuite fermenté avant d’être distillé. Le processus de distillation donne à la tequila une transparence et une pureté remarquables. Nous avons alors trois types : la Reposado, l’Añejo, et l’Extra añejo, qui prend une teinte ambrée, similaire à celle du whisky, grâce à un vieillissement en fût, ce qui lui confère une richesse supplémentaire, ou comme disent les hispanophones, le tequila. Cet article vous plongera au cœur de ce distillat, des ses anciennes origines à sa production contemporaine, en passant par les différents types de tequila et les meilleures façons de l’apprécier. Ensemble, nous découvrirons les secrets de ce produit extraordinaire, tout en apprenant à identifier les étiquettes de qualité et à savourer ses nuances.
Qu’est-ce que la tequila et comment est-elle fabriquée ?
Le distillat provient de la plante d’agave bleu, également appelée agave tequilana. On extrait de la plante la piña, qui correspond à sa partie centrale, car c’est elle qui contient l’inuline, un glucide essentiel à l’obtention des sucres nécessaires au début du processus de fermentation.

Une fois récoltée, l’agave est cuite à la vapeur, ce qui permet d’assouplir les fibres et de libérer les substances solubles en sucres qui atténuent le goût épicé du produit. Le fluide résultant, appelé aguamiel, est ensuite fermenté dans de grandes cuves et distillé dans un alambic discontinu pour atteindre le produit final. Ce processus de distillation peut être réalisé jusqu’à trois fois, tout en sachant qu’à chaque traitement, on risque d’altérer une partie du goût distinctif de l’agave. Ainsi, on obtient la variété Blanco, une tequila claire, authentique, aux arômes et saveurs fidèles à la plante d’origine. Cependant, il existe trois autres types de tequila qui proviennent de l’influence de l’âge.

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- Reposado : tequila vieillie en fût de chêne pendant au moins trois mois.
- Añejo : tequila maturée en contact avec des fûts de bois pendant un à trois ans.
- Extra añejo : même procédé que le précédent mais avec un vieillissement de plus de trois ans.
Ces trois types de tequila, en plus de la saveur d’agave, bénéficient de toutes les propriétés organoleptiques liées à leur vieillissement. Il incombe à la distillerie de maîtriser les saveurs tout en préservant la pureté d’un produit aussi authentique.
Les histoires et légendes autour de la tequila
Les premières mentions de ce distillat remontent à l’époque des Aztèques. De nombreuses légendes sur la naissance de la tequila émergent de cette époque, juste avant l’arrivée des Conquistadors au Mexique. On raconte que même Frida Kahlo, symbole culturel du Mexique, était si passionnée par la tequila qu’elle aurait demandé à son médecin, malgré sa santé délicate, « Docteur, si vous me laissez boire de la tequila, je promets qu’au funérailles, je n’en toucherai pas une goutte ».
Pour les Aztèques, la tequila était un cadeau des dieux pour les élus. Ce distillat était réservé aux prêtres, aux nobles et aux aînés malades. Plusieurs récits de cette période laissent entendre qu’à travers les âges, la tequila était utilisée comme un antidépresseur. « Elle guérit tous les maux, surtout la tristesse », pouvait-on lire dans les carnets des conquistadores. C’est ainsi qu’a vu le jour la plus belle légende entourant ce distillat.

Le dieu Quetzalcoatl (dieu du vent, de Vénus, de l’aube, des marchands et des arts, ainsi que de la connaissance) répugnait de voir les hommes plongés dans la mélancolie (en raison des abus espagnols). Il fit alors savoir son amour pour la Déesse Mayahuel (déesse de l’amour réciproque et protectrice de l’agave) afin qu’elle vienne sur Terre pour offrir sa magie aux hommes. Furieuse de cette union, la grand-mère de la déesse, provenant des Tzitzimime (une sorte d’anges de la mort), sort des Ténèbres pour punir sa petite-fille. Quetzalcoatl, pour protéger son bien-aimé, la soulève et se transforme en arbre. La grand-mère, découvrant l’escroquerie, se met en rage et frappe la Terre avec des éclairs jusqu’à ce que l’arbre ne soit plus qu’un souvenir.
Après que la fureur de la grand-mère se soit calmée, le dieu Quetzalcoatl reprend sa forme originelle, mais les branches noircies représentent douloureusement les os de son amante. Là où ils s’étaient cachés, il rassemble et enterrera les branches de Mayahuel. Des larmes du Dieu versées sur les os de sa bien-aimée, d’où le cœur se déverse « l’eau sacrée », sort l’agave, qui vient ainsi apaiser la tristesse des êtres humains sur la Terre.
L’histoire réelle de la tequila
Bien que Barney Stinson nous avise que “ce n’est pas une bonne idée de gâcher une belle histoire avec la vérité”, la réalité de la naissance de la tequila est nettement moins romantique, mais elle mérite d’être mentionnée. D’après les archives panaméricaines, la première tequila a été produite dans ce qui deviendra la ville de Tequila au XVIe siècle. À cette époque, ce distillat ne portait pas encore ce nom et n’était pas vraiment de la tequila. Pour obtenir la tequila tel qu’on la connaît aujourd’hui, nous devons attendre l’arrivée des Espagnols. En 1521, lorsque les Conquistadores épuisent les stocks de brandy qu’ils avaient apportés d’Europe, ils découvrent le “Ictac octli”, un spiritueux blanc fabriqué par les populations indigènes. Cela leur plaît, et ils améliorent la recette à l’aide de leur expérience du Vieux Continent, en faisant fermenter le jus d’agave. Ainsi naît la tequila.

Une fois le Mexique conquis, le distillat devient l’un des premiers spiritueux autochtones d’Amérique du Nord. Don Pedro Sanchez de Tagle, le marquis d’Altamira, qui régnait sur la région pour le compte de la couronne espagnole, pressent le potentiel économique de la tequila et commence sa production à grande échelle dans une distillerie : le produit ayant rencontré un grand succès, il s’exporte jusqu’en Espagne où le roi Charles IV accorde une licence et surtout impose une taxe sur la tequila.
Durant près de 300 ans, ce spiritueux poursuit son chemin à travers un long voyage entre l’Amérique et l’Europe. Cependant, quand un producteur est élu maire de Tequila, Don Cenobio Sauza, puis son petit-fils, décident de franchir les frontières et de commercialiser la tequila aux États-Unis, affirmant que “la tequila ne peut exister là où l’agave ne pousse pas”. Aujourd’hui encore, cette boisson ne peut être produite qu’en territoire mexicain, conformément à cette intuition.
Question de grammaire
Avant de continuer, clarifions un point : “le” tequila ou “la” tequila ? Les deux sont correctes, le terme masculin vient de l’espagnol, tandis que l’usage féminin est ancré en italien. La dénomination est contrôlée et reconnue au niveau international : elle désigne exclusivement l’eau-de-vie d’agave produite dans l’État de Jalisco ainsi que dans certains États tels que Nayarit, Guanajuato, Michoacán et Tamaulipas. La taux d’alcool doit se situer entre 40° et 45°, obtenu grâce à une double distillation dans un alambic discontinu, et doit comporter au moins 51% d’agave bleu dans la composition.
Les conseils des bartenders pour déguster la tequila
Pour nous guider dans ce voyage le long des côtes du Pacifique, Chiara Mascellaro, bartender palermitaine et lauréate du Patrón Perfectionists Competition, un concours organisé par Patrón, l’une des tequilas les plus populaires au monde, nous a parlé de sa recette alliant tequila et ingrédients qui lui tiennent à cœur, en rapport avec sa ville et ses racines. Chiara, véritable palermitaine, est la bar manager de CaMus, un établissement culturel dans la ville sicilienne. Sa recette à base de tequila combinait l’ingrédient mexicain à des produits typiques de Sicile tels que le laurier, le basilic, les agrumes, l’aquafab (l’eau de cuisson des pois chiches utilisée en mixologie en remplacement de l’albumine pour sa texture crémeuse) et le allorino, un liqueur sicilienne reconnue comme digestif à base de laurier.

Sa victoire au concours en Italie a ouvert la voie à une reconnaissance internationale : “Trente pays ont participé. La finale s’est déroulée au Mexique, où j’ai passé une semaine avec 20 concurrents du monde entier. Ce fut un incroyable échange d’idées, et j’ai eu la chance de visiter les champs de Patrón, où j’ai pu récolter et planter de l’agave, ainsi qu’assister à la cuisson et à la découpe de la plante. Cette semaine en entreprise m’a beaucoup enrichie. À la fin, la compétition était le dernier de mes soucis”. À Chiara Mascellaro, nous avons demandé ce que lui évoquait le mot tequila : “herbacée, douce, fruitée, de nombreuses notes, de multiples saveurs, tant de souvenirs”.
Comment déguster la tequila et reconnaître sa qualité ?
Les conseils de Chiara Mascellaro sont très simples : “Nous avons tendance à boire la tequila à la rigueur, c’est pourquoi je la recommande ainsi, mais nous ne savons pas vraiment l’apprécier. Très souvent, nous la buvons sous forme de shots, pourtant la meilleure façon de consommer ce distillat est de le prendre pur, tout en savourant chaque gorgée”.
La tequila est conçue pour être savourée. Le “rituel” avec le sel et le citron est un héritage ancien, venant du temps où ce distillat était absorbé “pour rendre heureux” : en réalité, cela était si désagréable que les Mexicains usaient de sel et de citron pour camoufler son goût, et les gens se contentaient de cela.

Le parfum d’alcool revient dans la conversation avec Chiara : “Si vous le sentez, ce n’est probablement pas une tequila authentique. Un bon produit ne s’offre pas avec du sel et du citron, il doit être apprécié. Nous pouvons déterminer la qualité d’une tequila simplement en ouvrant la bouteille. Si l’on détecte l’odeur d’alcool sans les notes herbacées, c’est déjà un indicateur de problème. Nous devrions également percevoir des notes fumées. C’est un produit parfumé, complexe”.
La tequila dans les cocktails
“Il faut faire ressortir les notes herbacées, de poivre noir, toutes ces notes uniques à la tequila”. Telle est la recommandation de Chiara Mascellaro pour la mixologie de la tequila. Parmi les cocktails les plus célèbres au monde, plusieurs contiennent ce spiritueux, comme le Margarita ou le Tequila Sunrise. À ne pas manquer : Porta Felice, le cocktail avec lequel Chiara a remporté le concours de Patrón. Ce distillat est souvent sous-estimé en mixologie, “ce n’est pas aisé à utiliser”, confie la bartender sicilienne, car il regorge déjà de nombreuses notes aromatiques qu’il est difficile d’équilibrer.
Le Long Island Iced Tea, composé de tequila, vodka, gin, triple sec ou Cointreau, rhum blanc, une touche de cola, du jus de citron et du sirop de sucre (le nom ne fait pas mention de thé, mais évoque le goût qui s’en rapproche) est également à essayer.
Les meilleures tequilas
Les tequilas d’exception sont celles qui capturent l’âme du Mexique, celles qui portent en elles toutes les légendes que nous avons partagées. Comme l’a mentionné Mascellaro, il est crucial qu’il s’agisse d’un distillat de première qualité élaboré à partir de 100 % d’agave bleu. Une autre indication peut être la zone d’embouteillage, historiquement en lien avec la tequila. Chiara nous explique que “dans certaines régions du Mexique, le savoir-faire traditionnel est encore respecté. J’y ai goûté ce distillat dans des bars sans même de panneau indiquant leur existence, avec une tequila artisanale auto-produite”.
Il n’est pas nécessaire de dépenser des sommets d’argent pour profiter des meilleures tequilas, “en moyenne un bon produit vaut environ 30 euros”, précise la bartender. Par exemple, la Tequila Añejo de Patrón, l’un des produits de référence sur le marché, se vend aux alentours de 50 euros. Cette tequila est vieillie 12 mois dans des fûts de chêne de vin français, avec des bouteilles numérotées. Sa teinte est claire, son goût doux et sucré, avec des notes de bois et de vanille.
Un autre exemple serait la Tequila Reposado Reserva Don Julio, affinée pendant 8 mois en fût de chêne blanc américain, produite à partir d’agave bleu de 7 ans, récoltée et embouteillée à Jalisco, dont le prix tourne autour de 40 euros.
Si l’on descend encore dans la gamme de prix, à environ 25 euros, on trouve la Tequila Blanco Olmeca. Très caractéristique, elle offre un puissant goût d’agave grâce à la cuisson dans des fours en briques de roche volcanique.

A découvrir et à collectionner, l’Espolón Tequila Blanco, célèbre pour son exceptionnel rapport qualité-prix et ses étiquettes illustrant l’histoire, la culture et l’art du Mexique. Une tequila super-premium avec des notes sucrées de fleurs et de fruits tropicaux, disponible à environ 20 euros.
Il existe également des produits bien plus coûteux, dont le tarif est justifié par l’exceptionnelle recherche liée au vieillissement de la tequila. Parmi eux, nous retrouvons la Gran Patrón Burdeos, une tequila à près de 600 euros, issue d’un long processus de vieillissement complexe en diverses barriques : 2 mois en chêne américain, 10 mois en chêne français, suivis d’une phase finale en barriques de Bordeaux. La bouteille est en cristal. Sa couleur est ambrée et elle offre une expérience gustative très développée, avec des rappels de caramel et d’épices.