Gastronomie

Pizza Cosacca : entre les Tsars de Russie et la créativité napolitaine

Pizza Cosacca : entre les Tsars de Russie et la créativité napolitaine
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La pizza Cosacca des Frères Salvo

La pizza Cosacca est une pizza de forme ronde et très simple, ne contenant que quatre ingrédients : tomate, fromage, basilic et huile d’olive. Restée en grande partie inconnue jusqu’en 2016, elle a connu un regain d’intérêt grâce à une émission intitulée « 4 Ristoranti », animée par Alessandro Borghese. À cette occasion, les quatre chefs devaient dévoiler leur interprétation de la “pizza du futur”, mais le fil rouge de l’émission était, en réalité, la pizza du passé, la Cosacca.

Les participants incluaient Giuseppe Vesi, qui a remporté le concours, Ciro Oliva de Concettina ai Tre Santi, Maria Cacialli de La figlia del presidente, et Alfredo Forgione, de la pizzeria Fresco. Ce dernier a rapidement exprimé son désir de préparer une « pizza cosacca », que seul Ciro Oliva a pu lui fournir, les autres, bien qu’étant des pizzaiolos traditionnels de Naples, n’ayant pas ce plat à leur carte.

Mais alors, comment se prépare la pizza Cosacca? En essence, la Cosacca constitue une fusion de la Margherita et de la Marinara, qui utilise du fromage râpé générique en lieu et place de la mozzarella ou du fiordilatte, tout en conservant l’origan et le basilic.

Origines historiques de la Pizza Cosacca

La création de cette pizza remonterait à la moitié du XIXe siècle, lors de la visite de l’Empereur Nicolas Ier en Sicile et à Naples. Toutefois, la Cosacca serait bien plus ancienne, car elle était la pizza que les pizzaiolos mangeaient à la fin de leur service, lorsque la mozzarella destinée aux calzones et aux Margheritas était épuisée, que le basilic pour la Mastunicola se faisait rare, et que les sardines étaient réservées pour la Marinara. Si des tomates et du fromage étaient disponibles, c’est ce qu’ils consommaient.

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Entre 1844 et 1846, l’histoire fait une rencontre improbable avec l’art de la débrouille, ajoutant une paire de Russes à l’histoire de la pizza. L’Empereur Nicolas Ier, sur les conseils de son médecin, se rend en Sicile avec son épouse Aleksandra Fёdorovna, souffrant de problèmes cardiaques. Le climat rigoureux de Saint-Pétersbourg étant néfaste pour sa santé, et en raison des bons rapports entre les Bourbon et les Romanov, il a choisi la Sicile pour se rétablir.

Cette solution se révèlera efficace : la chaleur préservera la vie de la tsarine, mais avant leur retour en Russie, le couple tient à remercier personnellement Ferdinand II de Bourbon pour son accueil à Palerme, à la Villa Quattro Pizzi. Une fois arrivés au Palais Royal, ils auront quelques surprises lors du banquet, notamment une en particulier : la désormais célèbre pizza qui, grâce à la tradition du Grand Tour, fait saliver toute l’Europe.

Selon les écrits de l’historien Luigi Settembrini, tout en s’efforçant de rendre la capitale du Royaume présentable, Ferdinand II donne aux pizzaiolos de Naples une consigne précise : « Je veux une nouvelle pizza pour mes invités ». Les pizzaiolos se mettent donc au travail pour offrir aux souverains une pizza jamais goûtée auparavant, à partir des “restes” d’autres pizzas.

Les ingrédients du tomate de Corbara, du pecorino de Bagnoli et de l’huile d’olive extra vierge campagnarde ont enchanté Nicolas Ier Romanov et son épouse Aleksandra au point où, de retour en Russie, ils ont offert de beaux présents à la ville de Naples. Parmi eux, les Palafrenieri, deux statues en bronze qui flanquent l’entrée du jardin du Palais Royal de Naples, représentant des chevaux identiques à ceux d’autres statues équestres monumentales de Saint-Pétersbourg.

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Le succès rencontré par cette pizza a rendu hommage aux pizzaiolos napolitains, qui décidèrent enfin de donner un nom à ce plat qu’ils dégustaient quotidiennement, le consacrant à cet événement spécial : la Cosacca, en hommage à leurs amis russes.

Quel goût a la Cosacca?

La pizza a beaucoup évolué par rapport à il y a dix ans, et encore plus par rapport à il y a 150 ans, mais les ingrédients restent presque les mêmes. À l’époque, le basilic n’entrait pas dans la composition de la Cosacca : de nos jours, presque tous les pizzaiolos, comme l’illustre la préparation de Salvatore et Francesco Salvo, propriétaires des Frères Salvo à Naples et San Giorgio a Cremano, ont choisi de l’incorporer.

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Le basilic apporte une note aromatique à l’ensemble de la pizza, dont l’odeur pourrait paraître trop forte à cause du fromage. Quant au goût, il est prononcé, notamment grâce au pecorino, de préférence celui de Bagnoli Irpino, qui doit être dosé avec soin : un excès peut en dégoûter, tandis qu’un dosage trop faible peut l’amenuiser.

Cette pizza n’est pas si simple à préparer : les températures du four risquent de faire fondre le fromage râpé, ce qui aboutirait à un plat visuellement peu appétissant et à la saveur défaillante.

Une Cosacca parfaite doit être méticuleusement dosée et équilibrée, et doit dégager trois niveaux d’arômes : le parfum du fromage qui s’éveille dès que la pizza arrive à table, celui de l’huile et du basilic qui s’intensifie à chaque bouchée, et enfin l’odeur du pain lorsque l’on atteint le bord de la croûte. Une explosion de saveurs, un enchantement réalisé avec seulement trois ingrédients simples, mais d’une qualité exceptionnelle.

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