Se l’on aborde la question du cornetto, croissant ou brioche, on se rend rapidement compte que cela crée un véritable dilemme pour les Italiens. Pour y voir plus clair, nous allons nous intéresser aux distinctes différences qui caractérisent ces trois douceurs. Tout d’abord, il est essentiel de préciser que cornetto, croissant et brioche ne font pas référence à la même chose. Chacune de ces pâtisseries présente des traits bien spécifiques, même si la confusion règne souvent en Italie.
Imaginons un milanais et un napolitain partageant leur petit déjeuner à 8 heures du matin : l’un savourant un « cappuccino et brioche » tandis que l’autre opte pour un « cappuccino et cornetto« . Pourtant, ils dégustent exactement la même chose. Qui a raison ici ? En réalité, c’est le napolitain. L’emploi du terme brioche est inapproprié et davantage usité dans le nord de l’Italie. Tentons donc de faire la lumière sur cette question persistante, ainsi que sur toutes les dissimilarités concernant les ingrédients, les préparations et l’histoire qui entourent les brioches, les cornettos et les croissants.
Brioche, Cornetto et Croissant : Une étude des différences
Il faut comprendre que les cornets, brioches et croissants se distinguent nettement les uns des autres, non seulement par leur forme, mais aussi par leurs ingrédients, leur histoire et leurs techniques de préparation. Ces pâtisseries bien distinctes et variées partagent cependant un fâcheux sort : la grande distribution a tendance à niveler ces différences, entraînant une certaine appauvrissement de notre vocabulaire et de notre capacité à choisir selon nos goûts. Toutefois, ces dernières années, un renouveau envers la pâtisserie traditionnelle est en train de s’affirmer, montrant ainsi un véritable intérêt du public pour des produits de qualité.
Le cornetto italien, héritage de l’Autriche, non de la France
Il n’existe pas de véritable « cornetto à l’italienne« , cela peut sembler difficile à accepter, mais c’est pourtant la vérité. En effet, notre cornetto est simplement une variante d’un classique viennois, le kipfel. Cette forme en croissant a été conçue par des boulangers austro-hongrois pour célébrer la fin de l’invasion ottomane en 1683 (le terme « kipfel » signifiant « croissant » en allemand). Ce délice arrive en Italie grâce aux échanges commerciaux entre Venise et Vienne.
Les différences concernant les cornettos, croissants et brioches se situent dans les ingrédients utilisés : farine, lait, œufs, sucre, sel, beurre et levure. Le cornetto italien a une texture plus aérée que le croissant, contenant moins de beurre que son homologue français. Il se révèle également aromatique mais non croustillant car, contrairement au croissant, il renferme plus de sucre.
Le croissant, un cousin du cornetto italien (ou plutôt autrichien)

Bien que les Français aient souvent un regard quelque peu condescendant sur la pâtisserie italienne (ce qui peut parfois se justifier), il est bon de rappeler que le croissant a également des racines austro-hongroises. Ce petit délice, très apprécié, découle également du kipfel.
Le premier croissant de France a été proposé par la Boulangerie Viennoise à Paris en 1838, un établissement ouvert par l’officier autrichien à la retraite August Zang, qui y proposait des spécialités viennoises. Aujourd’hui encore, le terme « viennoiserie » en France désigne les pâtisseries dont la préparation se rapproche de celle du pain, tels que les croissants, pains au chocolat, choux, tartes tatin ou pains aux raisins.
Le croissant et le cornetto partagent tous les ingrédients sauf un, l’œuf : généralement, seul le jaune est appliqué en surface pour obtenir une dorure optimale. L’absence des œufs dans le croissant permet au goût du beurre de prévaloir, rendant cette pâtisserie plus légère que le cornetto, grâce à sa préparation en feuilletage et à l’utilisation mesurée du sucre.
La différence majeure entre les cornettos et les croissants réside dans leur pâte : la première est semblable à celle des petits pains et des brioches, donc alvéolée et moelleuse, tandis que la seconde est en feuilletage, car elle provient d’une seule pâte feuilletée qui est découpée en triangles, puis roulée et façonnée en forme de croissant avant d’être mise à lever et cuite au four.
Une autre distinction significative entre la préparation française et italienne réside dans le remplissage : en Italie, les cornettos sont souvent garnis de confitures, de crèmes ou de mets salés ; les croissants français sont généralement « naturels ». Pour ceux qui désirent une touche chocolatée, ils se tournent alors vers le pain au chocolat, réalisé avec une pâte similaire, mais renfermant des morceaux de chocolat.
La brioche : une des plus grandes « fake news gastro-historiques »

« S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche. » Cette célèbre citation a été faussement attribuée à Marie-Antoinette, prétendument en référence au peuple en colère durant la « guerre des farines » à cause de la hausse du prix du pain. En réalité, bien que la reine de France, décapitée en 1793, n’ait pas marqué des points en matière de sympathie, elle n’a jamais prononcé ces mots. Cette phrase a été écrite par Rousseau dans ses « Confessions », évoquant un événement survenu en 1741, alors que Marie-Antoinette n’était pas encore née. Le philosophe suisse parle effectivement d’une « princesse », mais ce n’est évidemment pas la femme des Habsbourg.
Cette infox est pourtant anciennement répandue : elle a émergé durant la Révolution française pour ternir l’image de Marie-Antoinette. En outre, à travers ses nombreuses remarques parfois arrogantes et inappropriées, il ne figure aucune mention de ce dessert français dans ses discours. Au regard de la culture italienne, cette affirmation semble d’ailleurs peu cohérente : pourquoi comparer un morceau de pain à un cornetto ? En réalité, la brioche, telle que définie par la recette traditionnelle, ressemble vraiment plus à un simple morceau de pain.
De plus, en Italie, on observe une autre tromperie : la brioche est souvent vue comme un synonyme de cornetto. Ce n’est pas le cas : la brioche est la brioche, elle a sa propre valeur. Ce délice d’origine française est élaboré avec du beurre, de la farine, du sucre, des œufs, de la levure, de l’eau et du saindoux. Par rapport au croissant et au cornetto, cette pâtisserie se distingue par une proportion de beurre et de sucre nettement plus élevée, ce qui la rend plus moelleuse et gonflée. Dans sa version traditionnelle française, elle est servie entière, de bien plus grande taille, permettant de détacher des « petits morceaux » de façon similaire au fameux danubio napolitain. L’exemple le plus connu en Italie est sans nul doute la brioche sicilienne avec le « tuppo », un gâteau surmonté d’une petite boule de pâte. Souvent, cette brioche est vide, mais elle peut être également fourrée de crèmes au chocolat ou d’autres types de confitures. Dans le second cas, elle est habituellement trempée dans la granita ou farcie avec un excellent gelato. Un vrai délice, bien différent des cornettos et croissants.
Les « autres » cornets : les variantes des « polacche » et le cornetto d’Ischia

Dans notre pays, la diversité culturelle entre le Nord et le Sud se reflète dans le mode de consommation de ces pâtisseries. En effet, le cornetto est exclusivement associé au petit-déjeuner dans les régions du Nord, tandis qu’au Sud, il se consomme à toute heure. Il existe même un commerce nocturne dédié à une clientèle jeune, souvent après une sortie en discothèque, ou pour ceux qui souhaitent apprécier un romantique lever de soleil sur la plage. Les cornetteries nocturnes (proposant des cornets farcis, de taille bien plus généreuse que ceux des boulangeries du matin) représentent les établissements les plus fréquentés du Sud, une véritable innovation à partir de Rome.
Enfin, on retrouve pas moins de trois variantes de cornettos disponibles pour le plus grand plaisir des Italiens en dehors de l’Émilie-Romagne :
- la « polacca » anconitaine, spécialité de la ville d’Ancona. Un cornetto droit, d’une pâte très jaune, avec trois tours de feuilletage. Le remplissage se compose d’une couche très fine de pâte d’amande recouverte d’un glaçage à base de blanc d’œuf et de sucre. Sa taille est également supérieure à celle d’un cornetto classique. Son nom singulier est un hommage aux soldats du II Corps Polonais, une unité du gouvernement polonais en exil durant la Seconde Guerre mondiale, qui auraient beaucoup apprécié ces cornets, conduisant les marchigiani à créer une variante en leur honneur ;
- la « polacca » aversana, originaire de la ville d’Aversa. Bien que partageant un nom similaire avec celui des Marches, cet aspect est dû à une coïncidence curieuse, car les ingrédients et l’apparence diffèrent entièrement, tout comme la raison pour laquelle ce nom a été attribué. La polacca aversana a été réellement créée par une religieuse polonaise, qui a transmis la recette d’un dessert typique de Cracovie à un pâtissier d’Aversa. Celui-ci a réimaginer deux douceurs distinctes : la tarte polonaise et le cornetto polacca. En comparaison au cornetto traditionnel, cette variante présente une pâte plus proche de celle d’une brioche et un remplissage de crème pâtissière et de griottes, souvent ornée de grains de sucre sur le dessus ;
- le cornetto ischitano, sans doute le plus renommé, est typique de l’île d’Ischia. Également connu sous le nom de « cornetto en forme d’abeille« , il se distingue immédiatement par sa peau feuilletée comportant deux teintes très distinctes, l’une dorée et l’autre plus proche du marron, à l’image de la croûte des pains faits maison. Son originalité découle de son double mélange : un en feuilletage, semblable à celui du croissant français, et un autre par une pâte semblable à celle des brioche. Le résultat est un produit exquis qui marie la légèreté des spécialités siciliennes à la croustillante texture de la pâtisserie d’Outre-Rhin.