La prolifération des émissions culinaires a introduit un vocabulaire inédit dans notre quotidien. Il y a à peine dix ans, qui aurait osé évoquer des termes aussi techniques que « caramélisation des sucres » ou « réaction de Maillard » ? Personne, assurément. Aujourd’hui, ces concepts sont devenus presque banals : un amateur de barbecue se transforme rapidement en Giorgio Locatelli après quelques heures de cuisson, se mettant à prononcer des expressions obscure telles que celles mentionnées. Si cela vous arrive, notez bien que caramélisation et réaction de Maillard désignent des phénomènes distincts.
En résumé, on peut affirmer que la différence majeure réside dans les interactions entre les composants : lors de la caramélisation, des composés aromatiques proches du caramel se forment à partir de la décomposition des molécules d’eau contenues dans le sucre à des températures très élevées; tandis que la réaction de Maillard implique toute une série de mécanismes où sucres et protéines se combinent pendant la cuisson, générant des composés chimiques qui créent cette teinte brune caractéristique dans des aliments tels que la viande grillée ou la croûte de pain. Examinons en détail toutes les divergences entre ces deux réactions chimiques.
Points communs entre la caramélisation des sucres et la réaction de Maillard
Il est important de préciser d’emblée que regrouper ces deux réactions n’est pas une grave erreur, car elles partagent plusieurs similarités. D’abord, nous sommes face à des réactions chimiques, ce qui est loin d’être banal, étant donné que de nombreuses transformations alimentaires sont le résultat d’autres processus. Les disciplines scientifiques les plus fréquemment appliquées en cuisine sont la biologie et la thermodynamique: la première intervient dans la préparation des produits de boulangerie, et la seconde lors de l’ébullition de l’eau. Autre similitude, le type de réaction chimique et le produit final: les deux se déclenchent par la chaleur, entraînant des changements de couleur, de texture et de parfum. Il arrive également qu’elles se succèdent, car la caramélisation s’effectue à des températures plus élevées que celles nécessaires à la réaction de Maillard.
Disparités entre la caramélisation des sucres et la réaction de Maillard
Pour commencer, il est essentiel de comprendre qui est Maillard, afin d’éclaircir ce point. Louis Camille Maillard, chimiste français du tournant du 19ème siècle, est celui qui a identifié pour la première fois cette réaction. Ce qu’il est intéressant de souligner, c’est que l’homme a su domestiquer le feu il y a des millions d’années, mais ce n’est que dans le siècle dernier que nous avons pu démontrer une réaction chimique auparavant seulement théorisée. Cet individu a défini cette interaction en 1912 en tentant de reproduire la synthèse protéique: il a en effet démontré la réaction chimique impliquant un acide aminé et une déshydratation de sucres présents dans les aliments durant la cuisson. Pour faire simple, la réaction de Maillard peut être comprise comme une transformation chimique dans les aliments provoquée par l’application de chaleur. Malheureusement, cette explication est bien plus complexe qu’il n’y paraît.
La caramélisation se définit comme un processus d’browning, un terme technique désignant la formation de sous-produits de coloration sombre. On peut observer cela avec des pommes : lorsqu’une pomme est épluchée et non consommée immédiatement, elle se noirci. Cela résulte de l’browning de ses sucres. Dans cette situation, c’est la dégradation du fructose qui est impliquée, alors que dans la caramélisation, cela est induit par la chaleur : les sucres commencent à caraméliser à des températures dépassant 100 °C. À partir de 160 °C, ce processus produit de nouveaux arômes et une nouvelle coloration.
Ce phénomène ne se produit pas instantanément et progresse à travers plusieurs étapes jusqu’à atteindre un composé appelé hydroxyméthylfurfural, dont l’arôme classique évoque le caramel, donnant ainsi son nom à la réaction. Cet aspect est crucial, car en partant d’une base sucrée, chaque étape a ses caractéristiques sensorielles uniques, ce qui explique pourquoi les chefs pâtissiers utilisent divers types de caramel en fonction des plats qu’ils préparent.
Avec toutes ces explications, il est indiscutable qu’affirmer que les « protéines caramélisent » est une erreur manifeste. En effet, ce sont les sucres qui subissent ce processus, pas les protéines. À ce stade, la réaction de Maillard entre en jeu, et elle est bien plus complexe car elle concerne plusieurs éléments chimiques, à savoir les sucres et les protéines.
Dans cette première réaction, la température est primordiale, chaque type de sucre fondant à des températures spécifiques, tandis que la réaction de Maillard est influencée par d’autres facteurs, tels que l’acidité, qui jouent un rôle à divers stades. La réaction de Maillard se décompose en trois étapes principales :
- La première étape est une réaction invisible à l’œil nu : il se produit une interférence entre un sucre et un groupe d’acides aminés, conduisant à la formation d’un nouveau composé organique qui à son tour engendre un troisième composé ;
- la seconde phase, plus complexe, est marquée par de nombreuses réactions influencées par la température, où une légère coloration commence à se manifester, accompagnée des arômes du produit que l’on cuisine ;
- finalement, la dernière phase intensifie les produits organiques issus de « phase 2 » et crée la mélanoïdine, le composé organique responsable des couleurs variant du brun au noir.
Précisons qu’il s’agit ici d’une résumé extrême du processus, car la complexité du même le rend difficile même pour les chimistes les plus expérimentés. En somme, tout découle de la réaction entre les acides aminés et les sucres réducteurs, entraînant une variété incroyablement riche de saveurs et d’arômes.
Ce qui est essentiel de souligner, c’est que la réaction de Maillard est la cause principale de la plupart des brunissements que nous identifions comme étant « cuits« . Bien que nous l’associions souvent à la viande, le processus de Maillard le plus évident et simple à reconnaître s’opère en réalité sur le pain : la croûte dorée, qui varie du doré au brun foncé et qui dégage un arôme si appétissant, est le résultat des réactions chimiques entre sucres, glucides et protéines advenues dans le four lors de la cuisson.
Les facteurs influençant la réaction de Maillard
La complexité de cette réaction chimique en a fait un sujet d’étude approfondie dans l’industrie alimentaire, car comprendre ce mécanisme est essentiel pour garantir le contrôle lors de la production et du stockage de grandes quantités d’aliments : plus nous maîtrisons la réaction de Maillard, plus notre capacité à contrôler la qualité des produits est accrue. Les recherches ont permis de définir une fréquence, une amplitude et une dynamique des réactions chimiques en corrélation avec la température, la vitesse de réaction, l’activité de l’eau et le pH, c’est-à-dire l’acidité de l’aliment :
- La première idée qui nous vient à l’esprit est de privilégier des températures élevées, car on associe souvent ce phénomène au barbecue, mais ce n’est pas toujours le cas. Une chaleur excessive peut parfois ne pas assurer une réaction de Maillard optimale car le temps et la vitesse de la réaction sont intimement liés ;
- à cette relation s’ajoute l’eau, qui ralentit ou bloque la réaction en diminuant la température et en réduisant la vitesse de la réaction, ce qui retarde également la réaction de Maillard. Si un aliment est chargé en eau, les réactifs se déplaceront très rapidement en raison du fluide (et vice-versa). Avec des valeurs d’activité d’eau plus faibles, les réactifs seront plus concentrés et moins dispersés, entraînant ainsi une réaction de Maillard plus performante. Pour remédier à cela, beaucoup croient devoir placer la viande sur une plaque ou une grille incandescente pour « sceller » la viande et donc ses jus. Cela représente l’un des plus grands mythes culinaires. Des études ont également été réalisées sur cette légende : il a été démontré qu’un morceau de viande cuit à basse température, en donc en laissant s’échapper tous ses fluides, et un morceau grillé « scellé », ont exactement le même poids ;
- la température reste cependant un facteur crucial, car la réaction de Maillard peut commencer même autour de 20-25 °C en présence d’oxygène, c’est-à-dire à température ambiante ; la vitesse de réaction augmente autour de 30 °C et au-delà de cette température, elle varie proportionnellement : tous les 10 °C supplémentaires, la réaction de Maillard s’accélère trois fois. Elle se stabilise entre 80 °C et 140 °C, la température idéale pour une réaction de Maillard parfaite, après quoi elle se transforme en caramélisation, c’est-à-dire en brunissement non enzymatique touchant la dorure et la variation de couleur des aliments pendant leur cuisson.
En conclusion, les différences entre la réaction de Maillard et la caramélisation des sucres, bien que subtiles, existent et influencent le goût et les arômes de nos plats. La caramélisation se produit à des températures très élevées des sucres, tandis que la réaction de Maillard est davantage un jeu d’interactions entre protéines et sucres lors de la cuisson.
Définition de la caramélisation des sucres
La caramélisation est un processus chimique se produisant lorsque les sucres sont chauffés à des températures élevées, généralement supérieures à 160 °C. Dans ces conditions, les molécules de sucre se décomposent et se recombinent pour former de nouvelles molécules, engendrant une série de composés qui donnent au plat une couleur brun doré, un parfum puissant, et un goût sucré, légèrement amer. Ce phénomène concerne exclusivement les sucres (glucose, fructose, saccharose) et aboutit à la formation de mélanoïdines, qui apportent au plat une couleur brun doré et une saveur sucrée, avec une pointe d’amertume.