Lorsqu’il s’agit de battre des blancs d’œufs en neige, un conseil culinaire fréquemment entendu est d’ajouter une pincée de sel pour faciliter cette tâche. Ce conseil, souvent présenté comme un truc de grand-mère ou mentionné dans des livres de cuisine anciens, est en réalité un mythe que Dario Bressanini, l’un des plus célèbres et respectés vulgarisateurs scientifiques d’Italie, conteste fermement. Sur son site internet, ce chimiste se livre même à un expérience afin de prouver son point, mais comme il s’y attendait, cela échoue : le sel ne favorise pas le montage des blancs, au contraire. En réalité, l’ajout de sel peut affecter négativement la stabilité de la mousse formée par les blancs d’œufs. Bien qu’il puisse apparaître comme un facilitateur au départ, à plus long terme, le chlorure de sodium engendre divers effets qui rendent la mousse moins stable.
Impact du sel sur les blancs d’œufs
Selon Dario Bressanini, « le sel est détérimental pour la stabilité de la mousse, et son utilisation n’apporte aucun avantage réel, surtout à une époque où presque tout le monde dispose de fouets électriques. Dans certains cas, cela peut être simplement insignifiant, comme lors de la préparation de soufflés. Dans ces recettes, la mousse de blancs d’œufs rencontre souvent des problèmes bien plus grands en raison de la présence de matières grasses (les soufflés sans matières grasses sont rares), lesquelles peuvent « détruire la mousse » (qui n’a jamais essayé de verser de l’huile dans une baignoire pleine de mousse ?), si bien que l’ajout de sel ou non risque d’avoir peu d’effet sur le résultat final. Néanmoins, cela ne permet certainement pas d’améliorer la situation. » Mais que se passe-t-il réellement ? Pendant les premiers instants de battage des blancs d’œufs, le sodium contenu dans le sel aide les protéines à réduire leurs charges négatives, ce qui leur permet de s’approcher et de commencer à former un réseau. Cela explique pourquoi on a l’impression que le sel « facilite » ce processus initial. Cependant, cette interaction entraîne également des conséquences négatives. Étant donné que le sodium est un ion relativement volumineux, il perturbe la formation complète du réseau protéique essentiel à la stabilité de la mousse. De plus, le chlorure de sodium entrave l’action du lisozyme, une protéine essentielle des blancs d’œufs, en réduisant sa capacité à stabiliser la structure. Pour aggraver les choses, le sel attire l’eau (grâce à sa nature hygroscopique), ce qui la retire de la mousse et affaiblit encore un peu plus le fragile réseau protéique en cours de formation.
L’origine de ce mythe peut remonter à une époque où battre des blancs d’œufs à la main dans des cuisines froides était une tâche laborieuse et chronophage. Dans ce contexte, toute aide pour accélérer le processus pouvait sembler bénéfique. Toutefois, aujourd’hui, avec la prolifération des fouets électriques, l’ajout de sel n’est plus justifié et compromet même le résultat final. Pour améliorer la stabilité de la mousse, il est plus judicieux d’incorporer un acide. Des ingrédients comme le jus de citron (acide citrique), le vinaigre (acide acétique), le crémor tartar (tartrate acide de potassium) ou d’autres acides faibles agissent en libérant des ions H+ qui renforcent la mousse sans les inconvénients du sel. Ces acides rendent les protéines des blancs d’œufs plus robustes et facilitent une montée plus stable et durable.